0

Le conte et son propos

birmingham.jpg
the_snow_queen__cover_by_saraplante-d66phwf.jpg

   La représentation collective du conte de La Reine des neiges a été complètement bouleversée en 2013 par la sortie de l’adaptation faite par Disney. Il s’agit, à n’en pas douter, de la plus grande évolution qu’aient connu ce conte et l’imaginaire qui lui est propre depuis sa publication au Danemark en 1844. Le succès retentissant du film d’animation et la véritable industrie marketing qu’il a engendré jusqu’à maintenant a phagocyté pour la plupart d’entre nous l’histoire d’origine, qui n’a que très peu de rapport avec ce qu’en a fait Disney.

    La Reine des neiges a pour particularité d’avoir été écrit par Andersen lui-même – là où Perrault et les frères Grimm ont avant tout fixé par écrit des traditions orales de leur époque : pour cette raison, le conte est assez long (une vingtaine de pages) et n’entre pas dans la catégorie du conte populaire. Il s’agit d’un « conte en sept histoires », ce qui d’emblée met en question l’unité du texte ; de fait, la structure du récit est celle de l’arabesque, c’est à dire de la répétition. Chaque histoire se construit comme une boucle : le protagoniste rencontre un antagoniste (ou qui lui paraît en être un), l’attendrit par son histoire et sa candeur, reçoit une aide soit dans la forme d’un compagnon ou d’un objet et reprend sa route.

    Imprégné de la culture chrétienne de son temps, le conte d’Andersen est une parabole du passage à l’âge adulte de deux enfants, dont voici en substance le propos (la version complète est ici) :

   Le conte peut être lu comme la victoire du lien et de la fraternité sur l’indifférence et l’isolement (symbolisé par la vie engourdie de Kay, due au miroir magique et à l’influence de la Reine des neiges). En cela, le récit met en confrontation le merveilleux traditionnel des contes populaires avec le surnaturel chrétien pour montrer la supériorité du dernier : ainsi, Gerda est aidée par une armée d’ange pour rentrer dans le château de la Reine des neiges et ses larmes parviennent à faire fondre le morceau de miroir du cœur de Kay. Dans un conte populaire traditionnel, les larmes sont un signe de pureté morale mais n’ont pas d’effet en soi. Elles permettent d’attendrir une force supérieure, un deus ex machina qui vient intercéder en faveur du héros. La morale profondément chrétienne du conte fait ainsi écho à l’injonction « Soyez comme des enfants » de l’Evangile selon Matthieu.

   Le Diable, pour se divertir, confectionne un miroir qui ne reflète et agrandit que le mal, en faisant disparaître le bon et le beau. En voulant y faire se refléter Dieu, le Diable brise le miroir qui se réduit en poussière et s’éparpille sur la Terre où il se fiche dans les yeux des hommes, déformant leur vision.

Un petit garçon, Kay, le voisin et l’ami de la petite Gerda, reçoit un jour un éclat de miroir dans l'œil, qui va s’enfoncer jusque dans son cœur. « Dès lors, il ne joua plus aux mêmes jeux qu’auparavant : il joua à des jeux raisonnables, à des jeux de calcul. » nous dit le texte. Un jour, alors qu'il joue avec son traîneau, il est enlevé par la Reine des neiges. Celle-ci s'occupe de lui affectueusement, lui faisant oublier son ancienne vie.

   Gerda part alors à la recherche de Kay et rencontre sur son chemin plusieurs personnages qui essayent de la retenir soit par la magie soit par la force. Mais à chaque fois qu’elle raconte son histoire, elle trouve des hommes ou des animaux pour l’aider dans sa quête. Elle finit par arriver au palais de la Reine des neiges où elle retrouve Kay, absorbé par un jeu de logique. Les larmes de Gerda parviennent à faire fondre le morceau de miroir du cœur de Kay qui le libère de son emprise et lui permet de quitter la Reine des neiges.

   Les deux enfants rentrer chez eux : « Dans la chambre, tout était à la même place qu’autrefois. La pendule faisait toujours tic-tac ; mais en passant la porte, ils s’aperçurent qu’ils étaient devenus de grandes personnes. »

SaraPlante, couverture pour La Reine des neiges, 2013

Deviantart

Christian Birmingham, illustration pour La Reine des neiges, 2007