Illustrer un conte constitue un acte singulier dans la mesure où le conte est avant tout une tradition orale, et à l’origine n’est pas destiné à être fixé à l’écrit, encore moins à être réinterprété en images. Mettre en images pour les enfants un conte est aussi un défi, car il n’est pas dit que le récit soit adapté à la sensibilité du jeune public. Comme Jacob Grimm l’écrit : « Ces contes sont-ils composés pour les enfants et destinés à eux ? Je le crois très peu… »[1] La mise en image du conte n’a donc rien d’évident, puisqu’elle n’est pas censée être là.
Transcrire, orner ou véhiculer du sens ?
« Le mot « illustration » trouve ses racines dans le mot latin illustratio, qu’on peut définir comme l’« action d’éclairer, de rendre brillant ». Si on suit à la lettre cette définition étymologique, les illustrations auraient donc originairement pour fonction d’apporter plus de clarté, plus de lumière au texte, en le donnant directement, et littéralement, à voir au sujet. »[2]
L’image, imposée à l’enfant par le biais du livre, circonscrit son imaginaire. Elle lui véhicule toute une gamme de codes visuels et moraux propres à son époque, un point de vue, une version du conte qui nécessairement influencera sa compréhension et le souvenir qu’il en gardera par la suite. Si le conte n’est pas toujours adapté à l’enfant, l’illustration, elle, lui est plus sûrement destinée. Elle lui permet de s’approprier le contenu du conte sans savoir nécessairement lire. Cependant, il faut garder à l’esprit que l’illustrateur fait écran dans le travail de mise en images du texte : lui-même ne peut se défaire de ses codes, de sa compréhension du texte. Consciemment ou non, il disséminera des détails, une mise en scène de sa propre interprétation.
Regarder l’image
Un autre problème, enfin, se pose quant à la réception de l’image : « L’illustration joue un rôle dual, car elle peut aussi bien être un écran sur lequel projeter ses propres fantasmes, qu’une image qui fait écran si nécessaire. »[3]
« Raconte moi une image » vous propose de décortiquer les illustrations et chercher à saisir en quoi une image est indissociable de son époque, de toutes les images qui l’ont précédées et qui ont forgé l’imaginaire de l’illustrateur. Avec un peu plus de recul, il permet de comparer les différentes images entre elles et d’y voir se dessiner les constantes et les différences dans l’interprétation d’un même texte…